Psychose et intervention en cas de crise

Comment aider une personne en psychose jusqu’à l’arrivée de professionnels de la santé ou la résolution de l’épisode. Apprenez à reconnaître les signes précurseurs, les symptômes, les méthodes de désamorçage et comment être encourageant et sécuritaire.

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Les présentes directives constituent une série de recommandations d’ordre général sur la manière de venir en aide à une personne qui souffre possiblement de symptômes de nature psychotique ou d’une perte de contact avec la réalité. Chaque être humain est unique, et il importe de fournir un soutien adapté aux besoins particuliers de chacun.

Aide aux personnes victimes d’une crise psychotique

Directives de premiers soins à l’égard des personnes qui connaissant un épisode psychotique

Les directives suivantes ont été élaborées sur la base d’opinions éclairées données par des médecins cliniciens, des personnes utilisant les services de santé mentale et des fournisseurs de soins de santé d’Australie, du Canada, des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et d’Irlande. Elles visent à définir les soins à apporter aux personnes possiblement en proie à un épisode psychotique et ont été adaptées au contexte canadien. Pour obtenir des précisions sur la méthodologie utilisée, veuillez consulter l’article suivant : LANGLANDS, Robyn L., Anthony F. JORM, Claire M. KELLY et Betty A. KITCHENER. « First Aid Recommendations for Psychosis: Using the Delphi Method to Gain Consensus Between Mental Health Consumers, Carers and Clinicians », Schizophrenia Bulletin, vol. 34, no 3, 2008, p. 435-443.

Premiers Soins en Santé mentale Canada est un programme de la Commission de la santé mentale du Canada. Pour obtenir de plus amples renseignements sur ce programme, consultez le site Premiers soins en santé mentale.

Objectif des directives

Ces directives ont pour but d’aider les gens à fournir les premiers soins lorsqu’une personne est possiblement victime d’une crise psychotique. Le rôle des secouristes en santé mentale consiste à fournir du soutien à la personne jusqu’à l’arrivée des professionnels qui lui apporteront une aide appropriée ou jusqu’à ce que la crise se termine.

Utilisation des directives

Il s’agit d’une série de recommandations d’ordre général sur la manière de venir en aide à une personne qui est possiblement la proie de symptômes de nature psychotique. Cependant, chaque être humain est unique, et il importe de fournir un soutien adapté aux besoins particuliers de chacun. Par conséquent, les recommandations qui suivent ne conviendront pas nécessairement à toutes les situations.

Comment savoir si quelqu’un traverse un épisode de psychose?

Il est important de savoir reconnaître les signes avant-coureurs de la psychose, afin de pouvoir les repérer chez quelqu’un. Ces signes ne sont pas nécessairement alarmants si l’on considère chacun d’entre eux séparément. Cependant, ils peuvent être révélateurs d’un certain malaise lorsqu’ils se manifestent ensemble chez une même personne. Même s’ils apparaissent progressivement ou ne sont pas clairs, il ne faut ni les ignorer ni minimiser leur importance. Vous ne devez pas tenir pour acquis que la personne traverse un mauvais moment ou qu’elle a abusé de l’alcool ou des drogues, ou encore que les symptômes disparaîtront d’eux-mêmes.

 

 

Quels sont les symptômes courants des épisodes de psychose en développement?

  • Humeur et motivation changeantes
  • Dépression, anxiété, irritabilité, méfiance, humeur brusque, sans relief ou inappropriée, modification de l’appétit, manque d’énergie et de motivation
  • Changements touchant la manière de voir et de percevoir les choses
  • Difficultés de concentration ou troubles de l’attention, impression d’altération de soi, des autres ou du monde extérieur (par exemple, avoir le sentiment que soi-même ou d’autres ont changé ou agissent différemment), idées étranges, expériences sensorielles inhabituelles (par exemple, percevoir les odeurs, les sons ou les couleurs avec plus ou moins d’intensité)
  • Changements de comportement
  • Troubles du sommeil, isolement social ou repli sur soi, réduction de la capacité à effectuer des travaux ou à tenir un rôle social

Adapté de (Edwards et McGorry, 2022).

Vous devez être conscient que les signes et les symptômes de la psychose peuvent varier d’une personne à l’autre et changer au fil du temps. Vous devez également tenir compte des contextes spirituel et culturel quand vous examinez le comportement de la personne, car ce qui est considéré comme un symptôme de psychose dans une culture peut être considéré comme normal dans une autre.

Comment aborder une personne qui manifeste des symptômes psychotiques?

Souvent, les personnes qui développent un trouble psychotique ne cherchent pas à obtenir de l’aide. Au contraire, lorsqu’une personne éprouve des changements profonds et effrayants comme les symptômes psychotiques, elle cherche généralement à faire en sorte qu’on ne remarque rien. Si le comportement d’une personne vous inquiète, approchez-vous d’elle de façon bienveillante et sans porter de jugement pour lui faire part de vos préoccupations à son égard. La personne que vous tentez d’aider peut ne pas vous faire confiance ou craindre de se voir jugée « différente ». Il se peut donc qu’elle refuse de se confier à vous. Si possible, essayez de l’approcher de manière à lui parler en privé, dans un endroit calme où vous ne serez pas dérangés.

Efforcez-vous d’adapter votre approche et votre manière d’agir au comportement de la personne (par exemple, si elle se montre méfiante et évite le contact visuel, tenez-en compte et n’empiétez pas sur l’espace dont elle a besoin). Ne la touchez pas sans qu’elle vous l’ait d’abord permis. Indiquez-lui précisément quels comportements vous préoccupent et ne faites pas de spéculations sur l’interprétation qu’elle en donne. Il est important de laisser la personne exprimer ce qu’elle ressent ou ce qu’elle croit si elle en manifeste le besoin. Dans la mesure du possible, laissez-la donner le ton et le style à l’interaction. Sachez qu’elle peut être effrayée par ses pensées et ses sentiments. Demandez-lui ce qui l’aiderait à se sentir en sécurité et en contrôle. Rassurez-la : dites-lui que vous êtes là pour l’aider et la soutenir et que vous voulez assurer sa sécurité. Si possible, proposez-lui plusieurs moyens de l’aider pour lui donner le sentiment de maîtriser la situation. Transmettez-lui un message d’espoir en lui disant qu’on peut l’aider et que les choses peuvent aller mieux.

Si la personne refuse de discuter avec vous, ne l’obligez pas à se confier. Indiquez-lui plutôt qu’elle pourra vous parler plus tard si elle le désire.

En savoir plus sur Une personne qui vous est chère semble éprouver des problèmes de santé mentale.

Comment apporter de l’aide?

Soyez respectueux à l’égard de la personne. Faites preuve d’empathie à l’égard de ses idées et de ses sentiments, et ne portez aucun jugement sur ce qu’elle vous confie. Une personne se trouvant dans un état psychotique peut se comporter et s’exprimer différemment. Elle peut également avoir du mal à distinguer le faux du réel.

Abstenez-vous de confronter, de critiquer ou de blâmer la personne. Voyez les symptômes pour ce qu’ils sont et essayez de ne pas vous sentir personnellement visé. Ne soyez pas sarcastique et évitez les déclarations condescendantes.

Soyez honnête dans vos interactions. Ne faites pas de promesses que vous ne pourrez pas tenir.

Comment composer avec une personne qui a de fausses croyances ou des idées délirantes et des hallucinations (perceptions de faits qui n’existent pas)?

Il est important de reconnaître que les éléments perçus par la personne existent réellement. Vous ne devez pas nier la réalité de ce qu’elle perçoit ou en minimiser l’importance, ou encore en débattre avec elle. Dans le même ordre d’idées, ne vous montrez pas alarmé, horrifié ou embarrassé par les illusions sensorielles ou les hallucinations dont la personne est victime.

Par ailleurs, ne vous moquez pas des symptômes psychotiques que présente la personne. Si elle manifeste un comportement paranoïaque, n’agissez pas de manière à entretenir ou à exacerber sa paranoïa.

Comment composer avec des difficultés de communication?

Les personnes en proie à des symptômes d’ordre psychotique sont souvent incapables de penser clairement. Lorsqu’une personne tient des propos incohérents ou décousus, répondez-lui d’une manière simple et concise, et répétez au besoin. Après avoir parlé, faites preuve de patience et accordez le temps nécessaire à la personne pour traiter l’information et réagir. Si elle manifeste peu de réactions au point de vue affectif, cela ne veut pas dire qu’elle ne ressent rien. Ne tenez pas pour acquis qu’elle ne comprend pas ce que vous dites, même si sa réponse est limitée.

Faut-il encourager la personne à obtenir de l’aide professionnelle?

Demandez à la personne si elle a déjà éprouvé ces symptômes auparavant. Si elle vous fait une réponse affirmative, demandez-lui de vous indiquer ce qui l’a aidé dans ces circonstances. Essayez de déterminer quel type d’aide pourrait, selon elle, lui être utile. Tentez également de savoir si elle dispose d’un réseau social pouvant lui apporter du soutien. Le cas échéant, encouragez-la à chercher du soutien dans son réseau.

Si la personne décide de chercher de l’aide auprès d’un professionnel de la santé, assurez-vous qu’elle peut compter sur du soutien, tant sur le plan émotionnel que sur le plan pratique, pour accéder aux soins dont elle a besoin. Si elle s’adresse effectivement à un médecin ou à un professionnel de la santé mentale pour obtenir de l’aide et que l’avis médical obtenu ne semble pas convenir, selon vous ou selon elle, encouragez-la à demander l’avis d’un autre professionnel de la santé.

Que faire si la personne refuse l’aide offerte?

Il se peut qu’une personne refuse d’être aidée, tout en ayant conscience qu’elle ne va pas bien. La confusion et la peur qu’elle ressent l’incitent peut-être à nier son malaise. Si c’est le cas, encouragez-la à parler à quelqu’un avec qui elle se sent en confiance. Il est également possible que la personne refuse de demander de l’aide parce qu’elle ne réalise pas qu’elle est malade. Elle peut alors opposer une vive résistance à vos tentatives pour l’inciter à demander de l’aide. Dans un cas comme dans l’autre, votre plan d’action doit tenir compte de la nature et de la gravité de ses symptômes.

Il est important de savoir qu’une personne manifestant des symptômes psychotiques ne peut être contrainte à suivre un traitement que si elle répond aux critères des procédures visant la garde non volontaire dans un établissement de santé. Si son comportement ne présente aucun danger pour elle-même ou pour les autres, soyez prêt à patienter le temps qu’il faudra. Les personnes se trouvant dans un état psychotique ont souvent besoin de temps pour comprendre qu’elles sont malades. Ne menacez jamais la personne de recourir à la loi sur la santé mentale à son égard ou de la faire hospitaliser dans un établissement psychiatrique. Conservez plutôt une attitude amicale en lui signifiant que vous restez disponible au cas où elle aurait besoin de votre aide.

Que faire si la personne traverse une crise qui la rend très affectée?

Le ou la secouriste doit réagir adéquatement et demander l’aide de professionnels si la personne présente un danger pour elle-même ou pour les autres, et ce, même lorsque la personne refuse d’être aidée. Vous pouvez vous adresser à un professionnel en santé mentale, mais pouvez solliciter également une assistance médicale d’urgence ou demander l’aide des policiers ou d’autres professionnels.

En cas de crise grave, efforcez-vous de rester calme. Évaluez la situation en prenant en compte les risques qu’elle comporte (par exemple, déterminez si la personne représente un danger pour les autres ou pour elle-même). Il est important de repérer les risques de suicide [veuillez consulter à cet égard les lignes directrices de Premiers soins en santé mentale (PSSM) touchant le comportement suicidaire]. Si la personne dispose déjà de directives en cas de crise ou d’un plan de prévention des rechutes, vous devez suivre ces instructions. Cherchez à savoir s’il y a quelqu’un en qui elle a confiance dans son entourage (un ami proche ou un membre de sa famille, par exemple) et essayez d’obtenir de l’aide de ce côté. Déterminez s’il est sécuritaire de laisser la personne seule. Si vous croyez que cela pose un risque, veillez à ce que quelqu’un reste à ses côtés.

Il est important de communiquer avec la personne d’une manière claire et concise et d’utiliser des phrases courtes et simples. Parlez doucement, sur un ton non menaçant, et adoptez un débit modéré. Si la personne vous pose des questions, répondez-lui calmement. Vous pouvez acquiescer à ses demandes, à condition qu’elles ne posent aucun problème de sécurité et qu’elles soient raisonnables. Cela peut lui donner le sentiment d’exercer un certain contrôle sur la situation.

Ayez conscience que la personne peut réagir à une illusion sensorielle ou à une hallucination. N’oubliez pas que votre tâche principale consiste à désamorcer la situation. Par conséquent, ne faites rien qui puisse l’agiter davantage. Essayez de maintenir la sécurité et de protéger des dangers potentiels toutes les personnes présentes, y compris vous-même. Assurez-vous d’avoir accès à une sortie.

Gardez en tête qu’il vous sera peut-être impossible de calmer la situation et que vous devez être prêt à appeler les secours si nécessaire. Si vous craignez que la personne s’en prenne à elle-même ou à d’autres gens, vous devez alerter les secours (p. ex, les services d’urgence du 9-1-1) pour qu’elle subisse sans délai une évaluation médicale ou psychiatrique. Le cas échéant, faites preuve de précision et de concision lorsque vous décrirez les symptômes et les problèmes de comportement de la personne au répartiteur radio des services d’urgence et aux membres des services d’urgence envoyés sur les lieux. (À noter : Ne présumez pas qu’il s’agit de symptômes psychotiques; faites un bref compte-rendu des symptômes et de ce qui vous inquiète dans l’immédiat.) Indiquez-leur si la personne est armée ou non. Enfin, assurez-vous d’indiquer à la personne en crise qui est chacun des nouveaux intervenants. Précisez-lui que ces personnes lui apportent du secours et expliquez-lui ce qu’elles feront pour l’aider.

Que faire si la personne devient agressive?

Les personnes se trouvant dans un état psychotique ne sont généralement pas agressives. Elles sont beaucoup plus susceptibles de s’en prendre à elles-mêmes que de s’attaquer aux autres. Cependant, certains symptômes de la psychose (les illusions sensorielles et les hallucinations, p. ex.) peuvent les inciter à le devenir. Vous devez savoir comment calmer les situations de ce genre au cas où la personne que vous essayez d’aider manifesterait de l’agressivité.

Comment faire baisser le niveau d’agressivité?

  • Ne répondez pas sur un ton hostile, de commandement ou de défi
  • Ne menacez pas la personne; cela pourrait alimenter sa peur et induire chez elle un comportement encore plus agressif
  • Évitez d’élever la voix ou de parler vite
  • Restez calme et évitez d’avoir l’air nerveux (n’agitez pas vos pieds, ne remuez pas constamment, ne faites pas de mouvements brusques, etc.)
  • Ne restreignez pas les mouvements de la personne (par exemple, laissez-la arpenter les lieux si elle le désire)
  • Gardez en tête que certaines mesures (appeler les policiers, p. ex.) puissent exacerber le sentiment de peur ou les symptômes qui génèrent le comportement agressif de la personne

Prenez au sérieux toute forme de menace ou d’avertissement, surtout si la personne se sent persécutée. Si vous avez peur, demandez de l’aide immédiatement. Ne vous mettez jamais en danger. De même, si l’agressivité de la personne prend une ampleur telle que vous ne maîtrisez plus la situation, éloignez-vous d’elle et appelez les secours.

Ces directives sont protégées par des droits d’auteur. Elles peuvent toutefois être utilisées à des fins non lucratives, à condition d’indiquer la source.

Veuillez indiquer la source comme suit :

PREMIERS SOINS EN SANTÉ MENTALE CANADA. Directives de premiers soins à l’égard des personnes qui connaissent un épisode psychotique.

 

Adapté de : Mental Health First Aid Training and Research Program. Psychosis: first aid guidelines. Melbourne: Orygen Youth Health Research Centre, University of Melbourne; 2008.

Veuillez adresser les demandes de renseignements à :

Pr Tony Jorm, Orygen Youth Health Research Centre

Locked Bag 10, Parkville VIC 3052 Australia

Courriel : ajorm@unimelb.edu.au

Références

  1. Edwards, J & McGorry, PD (2002). Implementing Early Intervention in Psychosis. Martin Dunitz, London.

Contributors include:Mary Ann BayntonPremiers soins en santé mentale

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