Gestion de la démence – pour les leaders

Dans un contexte de vieillissement de la main-d’œuvre, la sensibilisation à la démence favorise l’identification précoce, la gestion efficace des risques et une intervention plus adaptée.

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Qu’est-ce que la démence?

Selon la Société Alzheimer du Canada, la démence est un terme générique utilisé pour décrire un ensemble de symptômes causés par des troubles du cerveau. Les symptômes peuvent inclure une perte de mémoire, des problèmes d’expression orale ou écrite ainsi qu’une difficulté à planifier et à résoudre des problèmes. La maladie est habituellement progressive, évolutive et incurable. La maladie d’Alzheimer et la démence vasculaire (souvent causée par un accident vasculaire cérébral) font partie des formes courantes de démence.  

En 2011, quelque 747 000 Canadiens vivaient avec un trouble cognitif, dont la démence (Société d’Alzheimer)1. Jusqu’à dix pour cent des cas de démence débutent avant l’âge de 65 ans. Dans son rapport intitulé Démence : une priorité pour la santé publique2, l’Organisation mondiale de la Santé rapporte que le risque de démence double tous les cinq ans après l’âge de 65 ans. En l’absence d’un âge de retraite obligatoire, il est probable que nous verrons une augmentation du nombre d’employés atteints de démence dans les milieux de travail.

La démence est donc un enjeu du milieu de travail du fait que certains employés peuvent chercher à composer avec cette maladie tout en essayant de s’acquitter de leurs tâches. Le problème est particulièrement sérieux pour les employés qui ne se rendent pas compte ou ne se souviennent pas qu’ils souffrent de cette maladie.

Stigmatisation et démence

La démence est plus fréquente chez les adultes plus âgés, mais elle peut aussi toucher les personnes plus jeunes. La stigmatisation rattachée à la démence est souvent exacerbée à la fois par l’âgisme et les préjugés entourant la maladie mentale. Les blagues sur les pertes de mémoire associées à l’âge peuvent sembler inoffensives, mais risquent de bouleverser les personnes aux prises avec cette maladie. La stigmatisation peut également se manifester dans notre manière de traiter une personne avec impatience ou comme si elle était une nuisance. 

Accroître la sensibilisation

Inclure la démence dans les efforts de sensibilisation à la santé mentale en milieu de travail permet de mieux comprendre les stades de la maladie, d’améliorer la capacité d’offrir un soutien efficace et d’aider les employés touchés à reconnaître leurs propres symptômes plut tôt.

Identification précoce

Une meilleure sensibilisation aide à réduire le risque de mal interpréter certains des premiers signes de démence. Elle contribue par ailleurs à réduire l’isolement social, la stigmatisation ou la discrimination. Bien que la perte de mémoire soit un signe bien connu, il existe d’autres signes précurseurs de la démence, dont les suivants :

  • un manque d’initiative
  • des changements à l’égard de l’humeur et du comportement
  • des changements dans la personnalité
  • une difficulté à saisir les notions abstraites
  • une difficulté à accomplir des tâches familières  
  • un manque de jugement
  • une désorientation dans le temps et l’espace
  • une tendance à égarer des choses

Être préparé et offrir des mesures d’adaptation

Une sensibilisation accrue et une meilleure reconnaissance des signes avant-coureurs de la démence peuvent aider les milieux de travail à mieux se préparer à suivre l’évolution de la maladie d’un employé. Il arrivera probablement un jour où l’employé ne pourra plus accomplir les tâches essentielles de son travail. Toutefois, aux premiers stades de la maladie, l’employé pourrait être en mesure de continuer à travailler de façon productive avec les mesures d’adaptation appropriées.

Ces mesures peuvent consister, pour l’employeur, à s’informer auprès du fournisseur d’avantages sociaux des services disponibles pour aider l’employé à réussir au travail, ou à lui proposer d’autres formes de soutien, comme de l’aide pour présenter une demande de prestations d’invalidité.

En vous appuyant sur les approches et stratégies décrites dans les sections Élaborer des plans pour les employés – pour les leaders et Stratégies relatives aux mesures d’adaptation, vous pourrez anticiper les besoins futurs et planifier en conséquence en posant certaines questions aux employés touchés, par exemple :

  • Quelles balises pouvons-nous mettre en place pour vous aider à rester sur la bonne voie?
  • Quels signes devrions-nous surveiller pour savoir que vous éprouvez des difficultés?
  • Comment souhaitez-vous que nous abordions les problèmes de rendement pour que vous sachiez que nous voulons vous aider?
  • Quels seraient, selon vous, les signes indiquant que vous n’êtes plus en mesure de travailler?
  • Quels genres d’erreurs craignez-vous de faire et comment pouvons-nous vous aider à les gérer?
  • Que trouvez-vous le plus stressant ou le plus difficile à gérer en ce moment?
  • Nous pourrions réévaluer tous les ___ jours. Quel moment vous conviendrait le mieux?

Licenciement et démence

Si l’employé est incapable d’accomplir les tâches essentielles de son travail, il vous faudra peut-être envisager de le licencier ou de lui offrir une retraite anticipée. Il est primordial que l’employeur consulte un conseiller juridique pour connaître les droits et responsabilités de chacun. Nous vous encourageons à lire la page Planification des licenciements et des mises à pied.

Nous relatons ci-dessous l’expérience d’un employeur qui ne savait pas trop comment intervenir, mais qui a su agir avec bienveillance et compassion envers un employé dont la démence l’empêchait de plus en plus de faire son travail.

Reconnaître la démence en milieu de travail

« Les signes étaient subtils au début, d’expliquer l’employeur. Mon employé perdait la notion du temps ou s’emportait pour des broutilles, comme oublier de faire le plein de la voiture de fonction. »

L’appartement de l’employé était contigu à l’entreprise, ce qui lui permettait de retourner chez lui de courts moments durant la journée de travail. L’employeur raconte que « l’employé revenait au bureau après une sieste et pensait que c’était le matin. Ou il se présentait au travail alors qu’il était en congé ce jour-là. Les autres membres du personnel n’ont pas tout de suite associé ces comportements à des symptômes de la démence parce que l’employé recourait souvent à l’humour pour désamorcer la situation en riant de ses erreurs. »

L’employeur s’est rendu compte que le problème était plus grave lorsqu’il a commencé à recevoir des appels de clients de plus en plus mécontents du travail de l’employé. Après plusieurs de ces appels, l’employeur a appris que des clients couvraient pour l’employé en lui trouvant des excuses ou en s’acquittant eux-mêmes d’une partie du travail. Il s’agissait d’un employé de longue date, bien connu et apprécié, et personne ne voulait le voir réprimander ni attirer l’attention sur ses problèmes de rendement. Ce n’est que le jour où des amis proches de l’employé ont demandé à l’employeur si quelque chose n’allait pas avec l’employé que l’employeur a réalisé que ce dernier souffrait possiblement d’une forme de démence. 

Prendre des mesures

L’employeur croyait que la législation sur les droits de la personne lui interdisait de poser certaines questions à un employé en détresse. « Je ne pensais pas que je pouvais demander ouvertement à l’employé s’il souffrait d’une maladie mentale ou lui recommander de se faire évaluer pour la démence. Je ne savais pas quels étaient mes droits et responsabilités », de dire l’employeur. La situation était d’autant plus compliquée que le propriétaire de l’entreprise était également le locateur, voisin et ami de l’employé.

Une bonne partie du travail de l’employé consistait à conduire, ce qui représentait un problème de sécurité et de responsabilité, pas seulement pour l’employé, mais aussi pour les clients et le public. Les plaintes des clients ont finalement convaincu l’employeur de ne plus permettre à l’employé de conduire. Ce dernier a accueilli la décision avec une très grande frustration, suivie d’un sentiment de culpabilité. L’employeur est resté ferme tout en rassurant l’employé sur le fait que personne n’était fâché contre lui et que personne n’y voyait un échec de sa part.

Dans un premier temps, l’employeur a entrepris de retirer à l’employé les tâches lui causant le plus de difficulté, comme traiter directement avec les clients. En effet, l’employé semblait incapable de maintenir une conversation polie et calme avec ces derniers. L’employeur lui a plutôt confié d’autres tâches, comme celle d’entretenir l’équipement et d’autres encore qui ne nécessitaient pas d’avoir de contacts directs avec les clients.

Ce changement de tâches a d’abord semblé avoir un effet positif, mais l’employé en est venu à éprouver du ressentiment et de la colère parce qu’il ne comprenait pas pourquoi on lui avait retiré ses tâches habituelles. L’employeur a alors été confronté à la difficulté d’expliquer en quoi le comportement précédent de l’employé – il s’était perdu lors d’une livraison et s’était montré abrupt et peu coopératif avec les clients – était inacceptable. L’employeur a souligné à l’employé que cela ne remettait aucunement en question sa valeur en tant que personne.

Dans ce cas précis, l’employeur a pu garder un contact étroit avec la famille de l’employé qui avait, elle aussi, reconnu l’existence du problème. Un an après l’apparition des symptômes, le médecin de l’employé lui a finalement fait passer des tests de dépistage de la démence.

Une fois le diagnostic établi, l’employé a volontairement apporté les rapports de son médecin à l’employeur, prêt à discuter des renseignements qu’ils comportaient. « Après avoir lu les rapports et en avoir discuté avec l’employé, j’ai clairement constaté qu’il n’en comprenait pas la teneur. L’employé croyait qu’il irait mieux s’il prenait les médicaments prescrits, se souvient l’employeur. Je n’avais évidemment pas demandé à voir les rapports, mais quand il me les a apportés pour que j’en prenne connaissance, j’ai compris que des changements plus importants s’imposaient. »

Répondre aux préoccupations des collègues

L’équipe étant très unie, l’employeur devait également veiller à maintenir les contacts entre l’employé et les autres membres du personnel. À la longue, il est devenu clair pour ces derniers que l’employé souffrait de démence. L’employeur a alors discuté avec son personnel des meilleures façons d’aider l’employé, sans toutefois rien divulguer des rapports médicaux. Certains membres du personnel ne savaient pas trop comment réagir lorsque leur collègue manifestait un comportement inaccoutumé en les injuriant ou en se mettant très en colère. Ils disaient se sentir blessés et mal à l’aise. Au fil du temps, l’employeur pouvait voir que le comportement de l’employé commençait à devenir problématique pour tout le monde, malgré la volonté générale de lui témoigner de la patience et de la compassion.

L’employeur a assuré aux membres de son personnel qu’ils pouvaient s’adresser à lui si jamais ils se sentaient effrayés ou menacés. Il leur a également conseillé de mentionner son nom pour tempérer la situation si elle devenait tendue, et de suggérer à l’employé de faire part de tout problème directement au patron.

Réflexions de l’employeur

Au cours de l’année, le propriétaire de l’entreprise lui-même a commencé à se sentir frustré. L’employé était un locataire, voisin et ami depuis de nombreuses années. Le fardeau de l’employeur s’est accru lorsqu’il a réalisé que l’employé avait des difficultés financières.

L’employé présentait un des symptômes caractéristiques de la démence : le manque de jugement. Il a commencé à se départir de ses biens, redonnant même sa voiture au concessionnaire. L’employeur ne savait pas exactement ce que l’employé faisait de son argent, mais il savait que ce dernier était de plus en plus en retard dans le paiement de ses factures. L’employé étant désormais incapable de s’acquitter de ses tâches habituelles, d’autant plus qu’il refusait de faire certaines tâches qu’il jugeait ingrates, l’employeur devait trouver comment gérer la situation en tenant compte de l’intérêt de son entreprise. Il savait que l’employé représentait un boulet potentiel sur le plan financier et un danger, et qu’il allait devoir mettre fin à son emploi.

Après consultation avec la famille, la décision fut prise de déménager l’employé dans un établissement de retraite. L’employé a cru que tous lui en voulaient et cherchaient à se débarrasser de lui. Sa famille et son employeur n’ont pourtant cessé de lui répéter que ce n’était pas le cas. L’employé a finalement été transféré dans une maison de retraite située plus près de sa famille. L’employeur a organisé une fête pour célébrer le départ à la retraite de l’employé, qui semblait heureux de voir tout le monde réuni pour l’événement. Près d’un an plus tard, même si l’état de santé de l’employé continue de se dégrader, ses collègues demeurent en contact avec lui en lui rendant visite et en l’appelant régulièrement.

L’employeur se souvient qu’au début, la démence s’est manifestée sous forme d’irritabilité pendant près d’un an avant l’arrivée des autres symptômes. Il souligne que les mesures d’adaptation à prendre dans une telle situation varient selon la gravité de la maladie et les informations que l’employé accepte de divulguer. La difficulté supplémentaire dans un cas de démence contrairement à de nombreuses autres maladies mentales, c’est qu’il n’y a souvent aucun espoir que l’employé aille mieux ou redevienne productif.

L’employeur offre le conseil suivant : « Adaptez les responsabilités de l’employé autant que possible et consultez un conseiller juridique pour savoir quels sont vos droits et ceux de l’employé en pareil cas ». Il suggère aussi de mettre en place des mesures de sensibilisation à l’intention du personnel, pour que chacun arrive à reconnaître les signes de la démence, à mieux comprendre cette maladie et à acquérir des stratégies pour intervenir de manière efficace.

« La plupart des gens qui reçoivent un diagnostic de démence souffrent en silence au lieu de demander de l’aide ou de reconnaître qu’ils ont besoin d’aide. Tout au long de cette situation difficile, nous avons trouvé des façons de montrer à l’employé que nous nous souciions de lui. »

Ressources supplémentaires

Vivre avec la démence : la famille et les amis

La culpabilité, le deuil et la perte, et la colère font partie des sentiments que ressentent souvent la famille et les aidants. Si des sentiments de ce genre vous habitent, sachez que vous n’êtes pas seul. Information fournie gracieusement par la Société Alzheimer du Canada.

Références

  1. Société Alzheimer du Canada, Les troubles neurocognitifs au Canada en chiffres
  2. Organisation mondiale de la Santé, Démence : une priorité pour la santé publique (2012) | PDF (seule la version anglaise est accessible).
Contributors include.articlesL’équipe de Stratégies en milieu de travail sur la santé mentale 2007-2021Mary Ann Baynton

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